vendredi 26 août 2011

Aristophane ou l'homme qui inventa le féminisme

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« Par les déesses, il est bien difficile pour des femmes de dormir toutes seules. Il faut pourtant s'y résoudre ; car la paix doit passer avant tout. » ... LAMPITO

LYSISTRATA

Extrait :



LYSISTRATA L’athénienne

LYSISTRATA, d'abord seule. - Voyez pourtant ! si on les avait convoquées au temple de Bacchus, ou de Pan, ou de Vénus Coliale, ou de Génétyllide (01), la foule des tambourins ne permettrait pas même de passer. Ici, aucune d'elles n'est encore arrivée, excepté cette voisine qui sort de chez elle. Bonjour, Calonice.

CALONICE. - Bonjour, Lysistrata. Qu'est-ce donc qui te tracasse ? Quitte cet air sombre, mon enfant ; ne fronce pas les sourcils, cela ne te sied pas.

LYSISTRATA. - Calonice, le sang me bout dans les veines, et je souffre, pour notre sexe de voir les hommes nous regarder toutes comme des êtres malfaisants.

CALONICE. - C'est que nous le sommes, en effet, par Jupiter !

LYSISTRATA. - On leur avait dit de se trouver ici, pour délibérer sur une affaire qui n'est pas de peu d'importance : elles dorment, au lieu de venir.

CALONICE. - Elles viendront, ma chère. Il n'est pas si aisé aux femmes de sortir de la maison. L'une est occupée auprès de son mari ; l'autre réveille son esclave ; celle-ci couche son enfant, celle-là le baigne, une autre lui donne à manger.

LYSISTRATA. - Il y a des affaires plus pressantes qui les attendent.

CALONICE. - Mais, ma chère Lysistrata dans quel dessein as-tu convoqué les femmes ? Quelle est donc cette affaire ? Est-elle grande ?

LYSISTRATA. - Elle est grande.

CALONICE. - Et est-elle grosse ?

LYSISTRATA. - Oui, certes, elle est grosse.

CALONICE. - Alors, comment se fait-il qu'elles ne soient pas toutes venues ?

LYSISTRATA. - Ce n'est pas ce que tu penses, car nous serions déjà toutes arrivées ; mais il s'agit d'une affaire que j'ai méditée, et retournée en tous sens, pendant de longues insomnies.

CALONICE. - Il faut que ce soit bien subtil, pour avoir été retourné en tous sens.

LYSISTRATA. - Si subtil, que le salut de la Grèce entière est entre les mains des femmes.

CALONICE. - Entre les mains des femmes ? Il tenait donc à bien peu de chose.

LYSISTRATA. - Il dépend de nous d'assurer le sort de la république, ou de détruire entièrement les Péloponnésiens.

CALONICE. - Les détruire est, par Jupiter ! une excellente idée.

LYSISTRATA. - Et d'anéantir les Béotiens.

CALONICE. - Non pas tous ; épargne au moins les anguilles (02).

LYSISTRATA. - Pour Athènes, je ne ferai pas contre elle un vœu semblable ; mais imagine autre chose. Si les femmes de la Béotie et du Péloponèse viennent se joindre à nous, toutes ensemble nous sauverons la Grèce.

CALONICE. - Mais quel acte insensé ou éclatant pourraient faire les femmes, qui restent toujours à la maison, bien fardées, bien parées, vêtues de robes jaunes, de cimbériques (03) flottantes, et chaussées de péribarides (04) ?

LYSISTRATA, - C'est précisément là ce qui nous sauvera, je l'espère ; oui, les petites robes jaunes, les parfums, les péribarides, l'orcanette (05), les tuniques transparentes.

CALONICE. - Et de quelle manière ?

LYSISTRATA. - De telle façon que nul des hommes d'aujourd'hui ne portera la lance contre les autres...

CALONICE. - Par les deux déesses ! je me ferai teindre une robe en jaune.

LYSISTRATA. - Ne s'armera du bouclier...

CALONICE. - Je mettrai une cimbérique.

LYSISTRATA. - Ni de l'épée.

CALONICE. - J'achèterai des péribarides.

LYSISTRATA. - Eh bien ! les femmes ne devraient-elles pas être arrivées ?

CALONICE. Oui, certes, depuis longtemps elles auraient dû voler ici.

LYSISTRATA. - Mais, hélas ! ma pauvre amie, tu verras qu'en véritables Athéniennes, elles feront toujours tout trop tard. Je ne vois non plus aucune femme de la côte, ni de Salamine.

CALONICE. - Je sais pourtant que celles-ci ont monté en bateau dès le matin (06).

LYSISTRATA. - Celles mêmes sur qui je comptais, et que je croyais devoir être les premières à venir, les femmes des Acharniens, ne paraissent pas encore.

CALONICE. - Cependant la femme de Théogène, voulant venir ici, a consulté la statue d'Hécate. Mais en voici qui arrivent ; en voici d'autres encore. Tiens, tiens ! d'où sont-elles ?

LYSISTRATA. - D'Anagyros (07).

CALONICE. - Tu as raison : on dirait Anagyros (08) en mouvement.   Fin de l'extrait

Mot d’ordre
Pas seulement et bien plus qu'une grève de l'amour, bien plus qu'un réquisitoire contre la guerre, dans cette Tragédie d'Aristophane [411 avant J.-C ] , les femmes débattent collégialement, définissent une position et décident à une époque où les idéologies misogynes définissait le rôle ou la condition des femmes

Paradoxalement dans ces sociétés de la Grèce antique, la parole publique n'était pas interdite aux femmes, nombreuses celles d'entre-elles, philosophes qui ont été appréciées, ont enseignées à leurs contemporains, ce qui explique en parti la pièce d'Aristophane '' l'homme qui aimait les femmes ''

Il faudra attendre le début du quatrième siècle avec sur les peuples l'emprise des idéologies religieuses monothéistes pour voir les femmes écartées des lieux de savoirs et '' disparaître '' de la sphère publique
Crab  - 26 Août 2011

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