dimanche 2 octobre 2011

Elisabeth Badinter


 August Macke

Réfugiée en France depuis 34 ans, je n’aurais jamais imaginé recevoir le prix de la Laïcité. C’est un grand moment et un immense honneur pour moi car la France est un modèle et un espoir pour tous ceux qui se battent au quotidien pour que dans leur pays, l’État soit  distinctement séparé du religieux. Ici, la laïcité est un principe inscrit dans la Constitution et, en ce sens, il ne devrait plus y avoir besoin de la défendre. 

Et pourtant… A travers l’exemple de la crèche Baby loup dont je suis la directrice, située au  cœur d’un quartier populaire à Chanteloup-Les-Vignes, c’est le principe même de la laïcité en  France qui a été remis en cause par le refus d’une employée de la crèche d’ôter son voile.  Nous n’aurions jamais imaginé être confrontées à une telle situation. Notre objectif était clair et sain, celui de concrétiser, par la création d’une crèche dans un quartier populaire frappé durement par la crise, un projet social fidèle à l’idéal laïc. 

C’était sans compter sur l’intrusion des intérêts communautaristes dans ce petit sanctuaire républicain…

Depuis plus de 20 ans, l’association œuvre en effet pour améliorer la vie des enfants d’une des villes les plus pauvres de France. Pour y parvenir, nous avons créé un mode d’accueil pour la petite enfance, adapté aux besoins des parents, et qui offre aux femmes du même quartier une insertion professionnelle pérenne à travers la formation diplômante. 

Le quartier où la crèche Baby loup s’est implantée, rencontre de grandes difficultés  socio-économiques, il est aussi extrêmement riche de la mixité de ses habitants, qui vivent ensemble et non pas séparés par «communautés» d’origine. Cette harmonie de vie dérange bien sûr ceux qui veulent renforcer la logique de l’entre-soi en ghettoïsation les quartiers populaires.
 
Pour contribuer, avec nos faibles moyens, à la lutte contre ces dérives communautaristes, mon équipe et moi-même tenions à créer un espace de vie commun en menant nos actions dans la plus stricte neutralité confessionnelle et loin, des clivages politiques. Dans notre esprit, Baby-Loup, c’est le bien commun du quartier. Parce que tous les enfants, quelles que soient leurs origines socioculturelles, méritent d’évoluer dans un esprit
d’ouverture aux autres. Les enfants ont le droit de grandir sans qu’on ne leur impose une vision partiale et sectaire de la société. La laïcité considère les enfants comme des citoyens en devenir, aptes à juger et capables de comprendre le monde qui les entoure. La rencontre avec les autres permet en effet de forger des esprits critiques, préalable à l’apprentissage de la citoyenneté et à la liberté de conscience. 

Cette vision de la France et de la laïcité est partagée et défendue heureusement par une  majorité de nos concitoyens. Et la présence au procès, d’anonymes ou de personnalités connues, dont le député maire d’Évry, Manuel Valls, nous a confortées dans notre combat.  Nous espérons avoir à nos côtés davantage d’élus de la République, à l’image du député maire  d’Évry. Car ce sont, eux, qui par leurs décisions sur le terrain portent (ou non) les valeurs de la République et contribuent (ou non) à la cohésion sociale de notre pays. Et il est vrai qu’à gauche, Manuel Valls nous a toujours soutenues et son appui a été précieux. Sa ferveur républicaine, son exigence d’une laïcité respectée, son intransigeance face aux dérives communautaristes ont pesé dans notre combat. 

En effet, pour ce maire d’une ville populaire et œcuménique, la décision judiciaire déboutant l’autre partie sonne comme une grande et belle victoire pour les valeurs et les idéaux qui fondent notre République. D’ailleurs, il a été un des rares élus à Gauche à avoir soutenu à l’Assemblée Nationale la loi interdisant le port de la burqa. Par ses positions, Manuel Valls représente ainsi une Gauche courageuse et responsable qui ne transige pas sur les thèmes de la laïcité et de la dignité de la femme. Elisabeth Badinter vient d’ailleurs conforter cette position dans une interview accordée au journal Le Monde des religions, où elle estime que le combat de la laïcité a été complètement abandonné par la Gauche, sauf par un élu, Manuel Valls. 

C’est une belle reconnaissance de son engagement dans ce domaine ! Mais cette nomination, je souhaite bien sûr la dédier à l’équipe de Baby loup qui courageusement a su affronter les obstacles qui se sont opposés à notre fonctionnement, ainsi qu'à Madame Odile Saugues, présidente du jury de Laïcité et République. Pour toutes ces femmes qui m'ont soutenue, il est encore possible de construire et de préserver des espaces de vie communs, garanties de la solidité de notre pacte social et républicain  - Élisabeth Badinter

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