[ Contre le fanatisme religieux, faisons du féminisme la priorité - Crab - ]
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CONCORDAT : AU NOM DU CIEL, DES PRIVILÈGES TERRESTRESHenri Pena-Ruiz
Ancien membre de la Commission Stasi sur l’application du principe de laïcitéAu lieu de réaffirmer la laïcité, certains parlent aujourd'hui de l'affaiblir encore un peu plus en s'inspirant du concordat qui sévit encore en Alsace-Moselle. Ils ne veulent pas voir qu'avec la liberté de conscience l'égalité de droits des croyants et des athées est essentielle. Ce principe républicain requiert la disparition des privilèges des religions, donc l'abrogation du concordat et non son extension. Quelques repères historiques.
Le 9 décembre 1905, Marianne se sépare de Dieu. Non pour lui faire la guerre, mais pour s’émanciper de sa tutelle, tout en le libérant de son contrôle. La République reconduit ainsi la religion à sa vocation revendiquée de démarche spirituelle qui n’engage que ses fidèles. Elle met à égalité les divers croyants, les athées et les agnostiques, et s’élève à l’universel en se réservant pour le bien commun à tous.
Rompant avec le concordat napoléonien et avec le bonapartisme dominateur qui l’animait, elle ne nomme plus les prêtres, laissant ce soin aux autorités religieuses. Une telle liberté va de pair avec la suppression des privilèges financiers des religions concordataires. Désormais, les salaires des responsables religieux et la construction des lieux de culte seront à la charge des seuls fidèles. La laïcité s’accomplit, simple et limpide comme la devise républicaine dont elle met en œuvre les principes : liberté de conscience, égalité de droits, universalité fraternelle de la chose publique, désormais dévolue à l’intérêt général et non aux intérêts particuliers des croyants.
Cet avènement laïque est une double émancipation. Comme dit le poète croyant Victor Hugo : « L’État chez lui, l’Église chez elle ». C’en est donc fini du concordat de 1802-1807, que Bonaparte-Napoléon avait assorti d’un catéchisme impérial et d’un sacre propre à ressusciter la collusion de la religion et du pouvoir politique. Avec ce concordat le droit divin était revenu, comme au temps de la monarchie absolue qui faisait du roi le « ministre de Dieu sur la terre ». (Bossuet). Lecteur de Machiavel, Napoléon ne restaurait les privilèges des religions que pour obtenir en retour une sacralisation de sa domination. Régression vers l’Ancien Régime, et non seuil de laïcisation, le concordat avait reconduit le gallicanisme, qui donne au chef politique un pouvoir religieux. Une balance à deux plateaux. D’un côté de l’argent pour les cultes et les clergés, de l’autre une allégeance contrôlée. Je paie, donc je contrôle. Dans le Mémorial de Saint Hélène, Napoléon s’en explique. Ce qu’il dit des responsables ecclésiastiques est peu flatteur : « Je suis entouré de prêtres qui me répètent sans cesse que leur règne n'est pas de ce monde, et ils se saisissent de tout ce qu'ils peuvent. Le pape est le chef de cette religion du ciel, et il ne s'occupe que de la terre. » Le mécénat intéressé, car il l’est presque toujours, achète donc l’allégeance. Ainsi le pape Paul III commanda à Michel-Ange la fresque du Jugement dernier, et son successeur Paul IV fit censurer le chef d’œuvre par Da Volterra, chargé de repeindre les nus, et surnommé « il braghettone »(le culottier). « Cachez ce sein que je ne saurais voir… » (Tartuffe, Acte III, scène 2)
Transposons pour récuser un argument faussement évident. La République devrait financer des mosquées voire des instituts de théologie musulmane, et elle pourrait ainsi les contrôler. Quelle étrange idée de la liberté religieuse! Quel croyant peut accepter ce gallicanisme dominateur, qui en somme achète la soumission ? Chantage. « Je vous paie. Mais gare à ce que vous direz ! » Voilà bien un retour à l’Ancien Régime, car la relation de dépendance entre les personnes prend la place de la loi républicaine. Une métaphore commune le dit : « Celui qui paie l’orchestre dicte la musique ». Oublie-t-on qu’en République ce n’est pas la domination qui joue, mais la loi commune à tous ? Une loi que le peuple se donne à lui même, contrat de tous avec chacun et de chacun avec tous. L’égalité horizontale des contractants prend la place de la dépendance verticale. Et pour obtenir le respect des droits humains, nul besoin de l’acheter. Un imam qui appelle à battre une femme, comme l’imam Bouziane à Lyon en avril 2004, est passible de poursuites pénales pour incitation à la violence et mise en danger de l’intégrité physique d’une personne. Tel est l’état de droit, et il n’a rien à voir avec le chantage implicite du mécénat religieux. Il est illusoire et même révoltant de vouloir payer pour contrôler. C’est d’ailleurs faire preuve d’une sorte de mépris condescendant pour les fidèles d’une religion que de se substituer à eux pour la délivrer de ses dérives intégristes. La République se contente de dire le droit et de poser ainsi les limites de pratiques religieuses qui lui contreviendraient. En parallèle, les religions doivent procéder à une adaptation issue de l’intérieur et non achetée de l’extérieur.
Retour dans le départements concordataires d’Alsace-Moselle. Les trois composantes du droit local y sont le concordat napoléonien, les lois allemandes dont une qui fait du blasphème un délit et d’autres qui créent des droits sociaux, et la loi Falloux qui installe les cours de religion dans les écoles publiques, avec demande obligée de dérogation pour les familles qui n’en veulent pas pour leurs enfants. Ces trois composantes sont distinctes et parfaitement dissociables. Si bien que l’abrogation du concordat et du délit de blasphème, ainsi que le transfert des cours de religion des écoles publiques à la sphère privée des familles n’entraînent nullement la suppression des droits sociaux spécifiques des alsaciens-mosellans.
Le concordat est une survivance archaïque et antirépublicaine, puisqu’il consacre des privilèges institutionnels et financiers pour les religions, au mépris de l’égalité des croyants et des athées. Il n’a aujourd’hui plus rien d’un accord équilibré, puisque ces privilèges n’ont désormais aucune contrepartie. Le président de la République, certes, nomme des responsables religieux, mais ce sont les autorités religieuses qui les choisissent. Le donnant-donnant napoléonien ne correspond plus à rien. Il ne reste plus que des privilèges, évidemment attentatoires à l’égalité et coûteux pour toute la République du fait qu’elle salarie les prêtres, les rabbins et les pasteurs. L’universel est sacrifié sur l’autel du particulier. Un comble en temps de crise et de vaches maigres pour les services publics communs à tous !
Il est temps d’abroger le Concordat que certains voudraient bien étendre pour tuer définitivement la laïcité en communautarisant l’argent public. Dans le même esprit il y a mieux à faire pour la République que de financer des instituts privés de théologie musulmane sous prétexte de lutter contre les causes du fanatisme religieux. Le respect des lois laïques et républicaines, l’École refondée pour instruire, et une politique sociale réaffirmée, peuvent y pourvoir de façon plus sûre - Henri Pena-Ruiz
( Dernier ouvrage paru : Dictionnaire amoureux de la laïcité - Editions Plon - Prix national de la laïcité 2014.)
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Commentaires
Danyves : Il est temps d’abroger le Concordat que certains voudraient bien étendre pour tuer définitivement la laïcité en communautarisant l’argent public. Dans le même esprit il y a mieux à faire pour la République que de financer des instituts privés de théologie musulmane sous prétexte de lutter contre les causes du fanatisme religieux. Le respect des lois laïques et républicaines, l’École refondée pour instruire, et une politique sociale réaffirmée, peuvent y pourvoir de façon plus sûre
michel brousson : Merci pour cet article plein de clairvoyance et d'objectivité. Avec vous, les choses sont très claires et on se demande pourquoi nos élus politiques, à commencer par le président de la République, sont si paresseux et timorés dans l'action pour le bien de la République! A moins d'être totalement manipulés par les religions ou de faire preuve d'anti républicanisme dans le fond! En outre, on attend toujours la réalisation de la promesse du candidat Hollande de constitutionnaliser la loi de 1905! Que de promesses non tenues!
Sources : Le blog de Henri Pena-Ruiz
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Suites :Elisabeth Badinter
ou sur
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Les françaises et les français sont attachés à la laïcité,mais toutes et tous en tant que personnes de bonne volonté et non en tant qu'hommes de bonne volonté, ils ne s'interdisent pas de rejeter des idéologies religieuses déshumanisantes pour, au nom de la fraternité, prioriser le féminisme qui permet de distinguerla loi commune (la démocratie ) de l'inégalitaire théocratie – Crab 21 Février 2015
Suites 2 : Les diktat musulmans
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